Rencontre avec Chrystia Freeland, ministre des Finances du Canada

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Rencontre avec Chrystia Freeland, ministre des Finances du Canada

Les conseillers en services financiers ont une grande responsabilité.

MAGAZINE CSF — QU’EST-CE QUI VOUS A CONVAINCUE DE VOUS LANCER EN POLITIQUE ALORS QUE VOUS AVIEZ UNE BRILLANTE CARRIÈRE DE JOURNALISTE ET D’AUTEURE?

L’HONORABLE CHRYSTIA FREELAND —  Ma décision de me lancer en politique a été influencée par ma famille, qui m’a fait remarquer que tout au long de ma vie, le Canada m’avait offert des possibilités incroyables. Mon père, en particulier, m’a dit qu’on me demandait de redonner au Canada. Il était très persuasif.

Le fait d’avoir travaillé pendant de nombreuses années comme journaliste et rédactrice a certainement influencé la façon dont j’aborde mon travail de politicienne et, maintenant, de vicepremière ministre et ministre des Finances. Lorsque j’essaie de comprendre un enjeu, j’aime me fier aux sources primaires et avoir des conversations directes avec les gens. En ce qui concerne la pandémie de COVID-19, cela comprend les économistes, les premiers ministres des provinces et territoires, les maires, les chefs d’entreprise, les dirigeants syndicaux, les médecins et les épidémiologistes – et, bien sûr, les Canadiens, dont la vie est touchée par nos politiques.

MME FREELAND, VOUS PARLEZ TRÈS BIEN LE FRANÇAIS, COMMENT AVEZ-VOUS APPRIS LA LANGUE?

CF — C’est gentil de le mentionner ! Je pense qu’il est important que les ministres fédéraux parlent les deux langues officielles et je suis consciente que je dois constamment travailler fort pour améliorer mon français.

J’essaie autant que possible d’intégrer le français dans ma vie quotidienne. Je demande à tous les membres francophones de mon personnel et aux fonctionnaires francophones du ministère des Finances de me parler en français exclusivement. La seule application de nouvelles sur mon téléphone est celle de Radio-Canada, pour m’obliger à lire en français tout au long de la journée. Et lorsque je cuisine ou que je nettoie la cuisine, j’écoute les bulletins de nouvelles ou les balados de nouvelles de Radio-Canada. Mes enfants et moi avons également commencé à regarder des séries télévisées en français. En ce moment, nous regardons M’entends tu? , que nous aimons beaucoup, même si parfois cette série de Télé-Québec nous rend très tristes et nous met en colère.

Je pense aussi qu’il y a du vrai dans l’idée qu’une fois que l’on connaît une deuxième langue, on peut en apprendre une autre un peu plus facilement. Enfant, je parlais anglais et ukrainien à la maison.

DEPUIS VOTRE ARRIVÉE EN POSTE, QUELLES SONT LES RÉALISATIONS DONT VOUS ÊTES LE PLUS FIÈRE?

CF — Depuis 2015, notre gouvernement a pris des mesures concrètes et mesurables pour aider la classe moyenne et les travailleurs canadiens. Au départ, nous avons demandé aux Canadiens les plus riches de payer un peu plus d’impôts pour que les autres puissent en payer un peu moins. Nous avons créé, puis bonifié, l’Allocation canadienne pour enfants. Plus tard, dans le cadre des négociations de l’ALENA, nous avons défendu le Canada et les travailleurs canadiens de l’acier et de l’aluminium. CSF PRINTEMPS 2021 7 « Le Québec a démontré que lorsque nous investissons dans les femmes et la prochaine génération, nous propulsons l’ensemble de notre économie vers l’avant. » « Un Régime de pensions du Canada plus fort et plus généreux est déjà une réalité grâce aux réformes mises en place par notre gouvernement. »

Mais surtout, je suis fière de la façon dont les Canadiens ont uni leurs efforts pour lutter contre cette pandémie. Nous avons vraiment montré que nous nous soucions les uns des autres.

VOUS AVEZ BEAUCOUP À CŒUR LES INÉGALITÉS SOCIALES. POUVEZ-VOUS NOUS DONNER DES EXEMPLES DE PROGRAMMES DU MINISTÈRE DES FINANCES DU CANADA QUI REFLÈTENT VOS PRÉOCCUPATIONS EN LA MATIÈRE?

CF — Je lutte contre l’inégalité des revenus, d’une manière ou d’une autre, depuis une dizaine d’années. J’ai fait des recherches et écrit sur l’inégalité en tant que journaliste, puis j’ai eu l’occasion de contribuer à la mise en pratique de certaines idées en tant que politicienne. Ce budget est un plan de création d’emplois et de croissance qui vise à faire en sorte que les plus vulnérables de notre pays, les personnes et les secteurs les plus touchés par la pandémie ne soient pas laissés pour compte. Nous investissons dans ces personnes et, ce faisant, nous stimulons la croissance économique et la relance au profit de tous. Qu’il s’agisse des femmes, des Canadiens racisés, des travailleurs à faible revenu, des jeunes ou des propriétaires de petites entreprises, nous leur fournissons le soutien dont ils ont besoin maintenant et nous investissons dans leur avenir, qui est aussi notre avenir commun.

 Le Québec a démontré que lorsque nous investissons dans les femmes et la prochaine génération, nous propulsons l’ensemble de notre économie vers l’avant. 

Un Régime de pensions du Canada plus fort et plus généreux est déjà une réalité grâce aux réformes mises en place par notre gouvernement.

EN TANT QUE MINISTRE DES FINANCES, COMMENT ET QUAND COMPTEZ-VOUS RAMENER L’ÉQUILIBRE DANS LES FINANCES CANADIENNES?

CF — Nous y parviendrons en étant prudents, comme le Canada le fait depuis longtemps. Au début de la crise, nous étions dans la position financière la plus solide du G7. Nous conservons cette position, même après les demandes sans précédent faites au Trésor public au cours de la dernière année. Nous avions prévu un déficit de 381,6 milliards de dollars pour 2020-2021, et nous sommes arrivés bien en deçà de cette prévision, soit 354,2 milliards de dollars. Ce budget prévoit réduire les déficits à 1,1 % du PIB d’ici 2025-2026 et atteindre un ratio de la dette au PIB de 49,2 % cette même année. En même temps, les investissements que nous effectuons maintenant nous mettront sur la voie d’une croissance soutenue et plus forte. 

AVEC LA PANDÉMIE,  LES CANADIENS SONT-ILS QUAND MÊME EN BONNE POSTURE QUANT À LEUR RETRAITE, AUTANT CEUX QUI EN SONT AU SEUIL QUE LES JEUNES? QUE PENSEZ-VOUS DE L’INÉGALITÉ DES REVENUS DE RETRAITE ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES? COMMENT PEUT-ON ARRIVER À RÉDUIRE CET ÉCART? EST-CE QUE LES GOUVERNEMENTS ET LES ENTREPRISES ONT UN RÔLE À JOUER DANS CE DOMAINE?

CF — Un Régime de pensions du Canada plus fort et plus généreux est déjà une réalité grâce aux réformes mises en place par notre gouvernement. De plus, en reconnaissance des souffrances disproportionnées subies par les aînés durant cette pandémie, les personnes âgées de plus de 75 ans qui sont bénéficiaires de la Sécurité de la vieillesse (SV) recevront un versement unique de 500 $ cet été, et verront leurs paiements de la SV augmenter de 10 % à partir de juillet 2022. Cette mesure aidera plus de trois millions d’aînés canadiens à profiter d’une retraite meilleure et plus digne.

La réalité est que ce sont les femmes qui portent les enfants et non les hommes. En général, pendant les périodes où une femme ayant de jeunes enfants s’absente de son travail, son partenaire, lui, poursuit sa carrière. Cela se traduit par des revenus beaucoup plus élevés au fil du temps. Il s’agit d’une iniquité structurelle – une iniquité que les Québécois ont comprise à juste titre depuis plus de deux décennies et à laquelle ils se sont attaqués en offrant des services de garde d’enfants. Nous suivons donc votre exemple et nous nous engageons à mettre en place un système pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants qui soit à la fois abordable et accessible. Le Québec a démontré que lorsque nous investissons dans les femmes et la prochaine génération, nous propulsons l’ensemble de notre économie vers l’avant.

Et je comprends que les jeunes Québécois soient inquiets. La dernière année a été particulièrement difficile pour les Canadiens qui venaient d’atteindre la majorité et qui se préparaient à entrer sur le marché du travail. Ils ont souffert de la perte d’occasions favorables et de l’isolement social à un moment de la vie où nous avons le plus besoin de vivre en société.

À eux, je dirai simplement ceci  : nous allons aider les jeunes Canadiens à s’en sortir, et notre budget prévoit des mesures concrètes à cet égard. Nous rendrons les études collégiales et universitaires plus accessibles et plus abordables en doublant la Bourse canadienne pour étudiants à temps plein pour deux années supplémentaires et en prolongeant la dispense d’intérêts sur les prêts étudiants jusqu’en mars 2023. Et nous créerons plus de 200 000 possibilités de formation professionnelle et de travail pour aider les jeunes à intégrer ou à réintégrer le marché du travail. Nous sommes là pour eux. Nous ne les laisserons pas devenir une génération perdue. Nous comprenons également que l’accessibilité au logement est une préoccupation pour de nombreux Canadiens, et peut-être surtout pour les jeunes. C’est pourquoi ce budget prévoit d’importants investissements dans le logement abordable et pourquoi nous avons instauré une taxe sur les propriétés vacantes des non-résidents.

COMMENT VOYEZ-VOUS LE RÔLE DES CONSEILLERS EN SERVICES FINANCIERS AUPRÈS DES CANADIENS DANS L’ATTEINTE DE LEURS BUTS FINANCIERS ET LEURS OBJECTIFS DE RETRAITE?

CF — Les conseillers en services financiers ont une grande responsabilité et le travail qu’ils font est important, particulièrement en temps d’incertitude. Cette période a été difficile pour les Canadiens et les Québécois, et leurs conseils ont aidé les gens à passer au travers des 15 derniers mois d’incertitude et d’épreuves. Je les en remercie. Ensemble, nous allons finir la lutte contre la COVID-19 avec la même détermination et le même courage que les Canadiens affichent depuis le début.