Bien connaître l’IR pour bien informer les clients
Les produits financiers liés à des considérations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) se multiplient et les investisseurs s’y intéressent de plus en plus. Pourtant, les conseillers demeurent peu nombreux à les offrir d’emblée.
ÉducÉpargne a récemment réalisé un sondage sur l’investissement responsable auprès de 1 000 travailleurs québécois. Parmi ceux qui faisaient affaire avec un conseiller ou un planificateur financier, près des deux tiers soutenaient qu’il ne leur avait jamais parlé d’investissement responsable (IR). Et de ceux qui l’avaient fait, 17 % s’étaient contentés d’en mentionner l’existence, sans donner plus de détails.
Il reste un décalage important entre l’intérêt des investisseurs et le nombre de conseillers qui abordent ce sujet de manière proactive.
Pourtant, plus de la moitié des répondants se disaient intéressés à l’IR. « Il reste un décalage important entre la curiosité des investisseurs et le nombre de conseillers qui abordent ce sujet de manière proactive, constate Marie-Justine Labelle, cheffe de l’investissement responsable chez Desjardins. Tant l’investisseur que le client pensent que c’est à l’autre d’ouvrir la discussion à ce sujet. »
Elle estime que les conseillers qui ne mettent pas ce sujet sur la table font fausse route. « S’ils omettent de se former sur ces produits ou évitent d’en parler à leurs clients, ils passent à côté de possibilités intéressantes sur le marché, croit-elle. » Elle rappelle qu’en Europe, les conseillers et les gestionnaires de portefeuille ont l’obligation de questionner leurs clients sur leurs préférences ESG et d’en tenir compte dans l’évaluation de la convenance de leurs placements. L’autre aspect à considérer pour le conseiller, c’est qu’il a la responsabilité professionnelle de bien connaître les produits qu’il offre.
41,8 G$
ACTIFS NETS SOUS GESTION
EN IR AU CANADA EN 2021Source : Rapport sur les fonds d’investissement de l’IFIC, 2021
S’éduquer soi-même
Reste que pour répondre aux attentes en IR de leurs clients, la bonne volonté ne suffit pas. Les conseillers doivent approfondir leurs connaissances au sujet d’une catégorie de produits qui ne cesse d’évoluer. Desjardins offre à l’interne une formation sur l’IR, déjà suivie par plus de 1 700 conseillers. « Nous en proposons aussi à l’extérieur de nos réseaux, précise Marie-Justine Labelle. Nous souhaitons démocratiser l’IR. »
L’Association pour l’investissement responsable (AIR) offre quant à elle plusieurs cours qui donnent accès aux titres de spécialiste de l’IR (RIS), de conseiller certifié en IR (RIAC) et de professionnel certifié en IR (RIPC). Rebecca Savard, conseillère en sécurité financière à Lumos services financiers, a complété la formation qui mène au titre de RIS peu après avoir été prise de court par un client qui l’avait interrogée au sujet des placements ESG.
« Je sortais de l’université et je commençais dans le métier, raconte-t-elle. Je n’ai pas du tout aimé le sentiment de ne pas pouvoir répondre à sa question. Une semaine plus tard, j’étais inscrite au cours de l’AIR! »
S’il y a un peu de pétrole ou de charbon dans le portefeuille, nous devons le dire et expliquer pourquoi. Ensuite, c’est au client de décider, en fonction de ses valeurs.
Elle en a par la suite suivi un autre, plus poussé, de l’académie Principles for Responsible Investment (PRI). « Je crois que, comme conseillers, nous avons une responsabilité de faire croître l’IR, avancet- elle. En plus, ça peut servir à fidéliser des clients qui désirent de plus en plus des placements alignés sur leurs valeurs. »
Ouvrir la discussion
Elle aborde systématiquement l’IR avec tous ses clients, tout comme sa collègue Laurie Bossé, planificatrice financière à RGP Gestion de patrimoine. « C’est important pour sonder leur intérêt, bien sûr, mais aussi pour comprendre ce qui les attire vers les placements ESG. Nous devons bien comprendre leurs valeurs, parce qu’il y a beaucoup de produits différents sur le marché, qui mettent l’accent sur des questions plus environnementales, sociales ou de gouvernance. »
La multiplication des produits et les approches variées de leurs manufacturiers causent d’ailleurs des incompréhensions chez les clients. Par exemple, certains gestionnaires excluent carrément toutes les entreprises d’un secteur, alors que d’autres choisiront plutôt simplement les meilleurs produits de ce secteur. On trouve donc, par exemple, des fonds dits « verts » qui contiennent des titres de compagnies pétrolières ou de fabricants de pipelines.
« C’est essentiel de se montrer transparents avec les investisseurs, affirme Laurie Bossé. Si un portefeuille ESG contient un peu de pétrole ou de charbon, nous devons le dire et expliquer pourquoi. Ensuite, c’est aux clients de décider, en fonction de leurs valeurs. »
Par ailleurs, les accusations d’écoblanchiment ont nui à la réputation des produits ESG ces derniers temps. Il n’existe pas encore de règles obligatoires et harmonisées pour encadrer la divulgation des données ESG des entreprises ni pour évaluer les produits d’investissements. Le marché regorge donc de firmes qui établissent des « scores » ESG (MSCI, Morningstar, Bloomberg, etc.), parfois basés sur des critères assez différents.
« Comme pour tout produit, on doit se méfier du marketing et effectuer nos propres recherches afin de s’assurer de bien comprendre ce que nous proposons à nos clients, soutient Rebecca Savard. J’ai commencé avec une courte liste de produits ESG, que j’allonge d’année en année. »
Elle confie d’ailleurs qu’elle a déjà rayé des produits de cette liste après une conversation insatisfaisante avec des représentants commerciaux de certains manufacturiers. « S’il n’est pas clair ou ne semble pas très bien formé pour expliquer le produit, c’est une sonnette d’alarme pour moi, avoue-t-elle. Ça brise la confiance. »
Comme pour tout produit, on doit se méfier du marketing et effectuer nos propres recherches afin de s’assurer de bien comprendre ce que nous proposons à nos clients.
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