Le mandat, pas si simple que ça!

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Le mandat, pas si simple que ça

Il y a fort à parier qu’un jour, en lieu et place d’un de vos clients, se présentera un mandataire chargé de le représenter. Que faire pour vous assurer que les intérêts de votre client sont toujours protégés? L’information qui suit vous aidera à comprendre les tenants et aboutissants d’une telle situation. D’abord, le mandat se décline en deux versions, soit la procuration et le mandat de protection. Et il s’agit là de deux choses bien différentes.

Qu'est-ce qu'une procuration?

La procuration est la première forme de mandat. Il s’agit d’un contrat entre deux personnes. Elle permet à celui qui le désire (le mandant) de déléguer certains actes en lien avec la gestion de son argent ou de ses biens à un tiers de confiance (le mandataire) pendant une période de temps déterminée d’avance – à l’occasion d’un voyage, par exemple. « Il peut notamment s’agir d’effectuer une transaction ou de vendre un bien », dit Me Geneviève Beauvais, chef, qualité et conformité des pratiques professionnelles à la Chambre de la sécurité financière.

La procuration peut être verbale ou écrite, mais lorsqu’elle mène à des transactions financières, un document écrit est généralement exigé. Cela peut être une simple lettre signée par le mandant. Il faut alors que chaque geste à poser y soit décrit. « Pour que le mandataire puisse signer un chèque par exemple, cela doit être spécifié, dit Geneviève Beauvais. Ce qui inclut le chèque destiné à payer le conseiller. »

 

Qu'est-ce qu'un mandat de protection?

Le mandat de protection est la seconde forme de ce type de contrat. C’est un document juridique réalisé par une personne majeure ou préparé à sa demande en prévision de son inaptitude. Ce document, qui confère des pouvoirs beaucoup plus larges au mandataire, peut être fait par un notaire ou devant deux témoins. Il permet au mandant de nommer la ou les personne(s) qui s’occuperont de lui, de son argent ou de ses biens lorsqu’il ne sera pas (ou ne sera plus) en mesure de le faire. Le mandat de protection ne pourra être utilisé que si le mandant devient inapte et qu’après avoir été homologué par le tribunal.

L’inaptitude peut n’être que temporaire. Dans ce cas, « le mandat cessera de s’appliquer lorsque le tribunal, après avoir reçu les résultats d’examens médicaux ou psychosociaux, constatera que le mandant est redevenu apte », précise Me Beauvais.

Notons que le Curateur publie les mandats de protection homologués dans son Registre public des mesures de représentation. Et que lorsqu’un mandant redevient apte, il en retire son mandat.

Il ne faudrait pas qu’une personne malhonnête parvienne à utiliser les pouvoirs découlant d’un mandat alors que le mandant est redevenu apte

Me Geneviève Beauvais

Il est entendu que, pour que la procuration et le mandat de protection soient valides, il faut que les indications qui s’y trouvent aient été formulées par le mandant alors qu’il était apte. Notons que le mandataire doit s’occuper lui-même des affaires du mandant ; la tâche de mandataire ne peut être déléguée à un tiers, à moins que le mandant vous ait autorisé à vous faire remplacer par une autre personne pour exécuter le mandat en tout ou en partie.

 

Agir avec professionnalisme et vigilance

Lorsque le mandataire de l’un de vos clients se présente à vous, il est primordial de bien étudier le ou les documents qu’il vous présente et d’en vérifier l’authenticité. C’est une procuration écrite? Pourquoi ne pas communiquer avec votre client afin de vous assurer qu’il s’agit bien là de ses volontés? Si c’est plutôt un mandat de protection, il faudra alors le lire attentivement et prendre connaissance du jugement du tribunal (ce document, tout comme le mandat, doit vous être remis par le mandataire). « Prendre ces précautions est important, car il est possible que le jugement apporte des modifications au mandat », dit Me Beau vais. Enfin, si vous connaissez le travailleur social ou la travailleuse sociale au dossier, vous pouvez aussi communiquer avec cette personne pour avoir une meilleure compréhension du dossier.

En agissant conformément aux indications qui se trouvent dans un mandat, vous ne devrez pas perdre de vue l’intérêt de votre client. Par exemple, le mandataire ne pourra pas donner des biens qu’il est censé vendre, il ne peut non plus transformer un contrat permanent en contrat temporaire. Bien entendu, il devra éviter tout conflit d‘intérêts. Ainsi, il ne pourrait pas se désigner lui-même comme bénéficiaire d’un contrat d’assurance. « Le mandataire qui dépasse les pouvoirs qui lui sont attribués sera tenu personnellement responsable de ses actes », souligne Me Beauvais.

Le mandataire qui dépasse les pouvoirs qui lui sont attribués sera tenu personnellement responsable de ses actes.

Me Geneviève Beauvais

Enfin, si la procuration ou le mandat de protection ne prévoit pas la pleine administration des biens, vous devrez vous astreindre à des placements présumés sûrs – des titres de propriété ou des obligations, par exemple. Notons qu’une liste des placements présumés sûrs se trouve à l’article 1339 du Code civil du Québec.

Selon Caroline Marion, gestionnaire fiduciaire chez Desjardins Gestion de patrimoine, vous devrez aussi jeter un coup d’œil à l’incidence fiscale des transactions qui seront effectuées et, dans le cas où elle s’avérerait importante, en discuter avec le mandataire. « Cela est nécessaire surtout si ce dernier est peu au courant de la situation du mandant », dit-elle.

Mme Marion suggère également de rappeler au mandataire son obligation de produire les déclarations de revenus du mandant. « Avec l’obligation de reddition de compte prévue dans la loi 11, il est certain que son administration sera vérifiée. »

Durant la relation que vous aurez avec le mandataire, soyez aussi à l’affût de toute demande qui vous semble inhabituelle. « Normalement, le conseiller en services financiers connaît bien son client, affirme Geneviève Beauvais. Il est donc probable qu’il soit en mesure de détecter de telles demandes. »

En cas de doute quant au bien-fondé des demandes du mandataire, vous pourriez essayer de joindre son client. « Même s’il est inapte, il est possible qu’il puisse être en mesure de dire s’il veut ou non quelque chose, ajoute-t-elle. Si possible, nous essayons de faire participer le mandant aux décisions qui sont prises à son égard. »

D’ailleurs, tout client, même inapte, devrait être informé au fur et à mesure des actes faits en son nom.

Cela est impossible? Peut-être pouvez-vous alors vous entretenir avec la personne de confiance désignée par le client : « l’identification d’une telle personne est désormais exigée, dans la mesure du possible, dans le domaine du placement en épargne collective », rappelle Me Beauvais. Vous ou cette personne pourriez également communiquer avec le Curateur public pour faire connaître toute situation qui pose problème et obtenir de l’aide.