Mission : Prêter main-forte au conseiller d'un client vulnérable

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Mission : Prêter main-forte au conseiller d'un client vulnérable

Les conseillers se retrouvent parfois pris entre l’arbre et l’écorce dans le choix entre la protection de la vie privée de leurs clients et le secours à ceux qui deviennent plus vulnérables. La désignation d’une personne de confiance peut aider à trancher ce dilemme.

La Financière Banque Nationale (FBN), qui regroupe des conseillers de plein exercice, a commencé à envisager le recours à une personne de confiance pour leurs clients en 2016, soit quelques années avant que l’Autorité des marchés financiers (AMF) évoque cette possibilité dans ses règlements.

« Notre service recevait beaucoup de questions de la part de nos conseillers en placement au sujet de la manière dont ils pouvaient et devaient agir lorsqu’ils soupçonnaient que leurs clients étaient victimes d’exploitation financière ou devenaient inaptes à gérer leurs placements », explique Me Marie-Emmanuèle Cardinal, vice-présidente adjointe pour le secteur relations clients et plaintes à la Financière Banque Nationale.

L’équipe de Me Cardinal a donc développé un guide pour les soutenir dans ces situations, mais aussi un formulaire pour désigner une « personne tierce » que le conseiller pourrait contacter dans le but d’échanger sur son client, dans certaines circonstances. « Ce qui revenait souvent dans ces cas-là, c’était la difficulté pour les conseillers de communiquer avec leurs clients et le besoin de faire intervenir une autre personne, poursuit la vice-présidente. C’était compliqué de les aider. »

La FBN a accordé une attention particulière aux circonstances dans lesquelles le conseiller pouvait se mettre en rapport avec cette personne tierce. C’est une question très délicate dans l’industrie, puisqu’elle concerne la préservation de la vie privée et des informations confidentielles du client. L’institution financière a aussi donné — et continue de le faire — beaucoup de formations à ses conseillers, en plus de leur offrir un accompagnement personnalisé dans certaines situations.

 

Finie la zone grise

En 2021, l’AMF a modifié son règlement 31-103 de la Loi sur les valeurs mobilières afin d’y inclure des dispositions concernant la désignation d’une personne de confiance. Cela faisait partie de changements plus larges pour améliorer la protection des clients âgés et vulnérables. L’article 13.2 demande désormais aux personnes inscrites de prendre « des mesures raisonnables lui permettant d’obtenir du client le nom et les coordonnées d’une personne de confiance et son consentement écrit à communiquer avec elle ».

« Ce changement de règlement a légitimé une pratique qui existait auparavant, mais qui tombait dans une zone grise, explique Jean-François Levasseur, chef de conformité à la Corporation de services du Barreau du Québec. Les conseillers pouvaient parfois contacter un proche de leur client en cas de problème, mais ils craignaient toujours d’enfreindre les règles de confidentialité. » Le Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (art. 27) et le Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (art. 8, 9, 17) encadrent de manière très stricte la préservation de la confidentialité.

Sa collègue Me Carine Monge, directrice générale et personne désignée responsable à la Corporation de services du Barreau du Québec, précise que rien ne force le client à accepter de nommer une personne de confiance. Les conseillers ont une obligation de moyen et non pas une obligation de résultat. « Ils doivent bien expliquer à leurs clients en quoi consiste la désignation d’une personne de confiance et insister sur le fait que ça peut aider à prévenir certains problèmes et même à éviter de sombrer dans des litiges plus complexes plus tard », prévient-elle.

 

Un rôle très limité

L’une des manières de rassurer les clients consiste à bien décrire le rôle très limité et encadré de la personne de confiance. « Cette personne n’a aucun droit par rapport aux actifs du client, ni aucun pouvoir décisionnel », explique Me Isabelle Tremblay, avocate au cabinet de conseils juridiques Le droit chemin, spécialisé dans l’assurance et les produits d’investissement. « Elle ne peut pas demander de réaliser ou de bloquer une transaction, par exemple. C’est seulement une personne vers qui le conseiller peut se tourner pour sonner l’alarme quant à une situation particulière. »

La notion de personne de confiance n’a donc rien à voir avec celle d’assistant créée récemment par le Curateur public. Cette nouvelle mesure permet à un client de nommer quelqu’un de manière officielle pour l’aider dans certaines prises de décision ou dans la gestion de ses biens, sans toutefois abdiquer aucun de ses droits. L’assistant peut aussi avoir accès aux renseignements confidentiels du client, avec son consentement. Il est désigné après une procédure de vérification et d’entrevue menée par le Curateur public.

« Le processus pour désigner une personne de confiance est beaucoup plus simple et informel, note Me Tremblay. Le client doit donner le nom et les coordonnées de la personne de confiance, idéalement après avoir averti cette personne. Les personnes déjà déclarées inaptes ne peuvent toutefois pas proposer une personne de confiance. »

 

Suivez le guide

Le défi qui reste pour les conseillers consiste à déterminer dans quelles situations l’appel à la personne de confiance est justifié. « Le conseiller doit s’assurer que c’est nécessaire et idéalement obtenir le consentement de son client, ce qui demande parfois beaucoup d’écoute et de pédagogie, par exemple avec un client qui souffre de pertes cognitives », avance Jean-François Levasseur.

Le règlement 31-103 prévoit que le client autorise le conseiller à communiquer avec la personne de confiance pour quatre raisons précises :

  1. Des préoccupations quant à une possible exploitation financière du client ;
  2. Des préoccupations quant aux facultés mentales du client, qui pourraient compromettre sa capacité de prendre des décisions financières ;
  3. Obtenir le nom et les coordonnées d’un représentant légal du client ;
  4. Obtenir lescoordonnées du client (lorsque le conseiller n’arrive plus à le joindre).

L’AMF a également publié le guide Protéger un client en situation de vulnérabilité, qui donne plusieurs conseils au sujet de la personne de confiance. On y retrouve même un modèle de formulaire d’autorisation à communiquer avec une personne de confiance.

Peu importe la façon de procéder, les conseillers doivent cependant s’assurer de se protéger eux-mêmes. « C’est très important de bien documenter tous ces processus, aussi bien l’obtention du consentement du client que la désignation de la personne de confiance et la décision de la contacter, rappelle Me Monge. Quand c’est possible, c’est une bonne idée de demander un deuxième avis, par exemple d’un superviseur, pour confirmer que le moment est venu d’utiliser cette mesure. »

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