Vieillir à la maison, combien ça coute?
Votre client avance en âge et souhaite demeurer le plus longtemps possible dans son logis? Il n’est pas seul. Guy Bonneau, président de la Fédération de l’âge d’or du Québec (FADOQ), déclarait récemment, lors d’une entrevue à Radio-Canada.ca, que les aînés veulent de plus en plus vivre chez eux tout en ayant une bonne qualité de vie. Il estime qu’il est important que les gouvernements suivent ce désir-là.
Au Québec, les soins à domicile sont assez compliqués à obtenir et le processus s’apparente parfois au parcours du combattant.
Michèle Charpentier, spécialiste en gérontologie sociale à l’UQAM, notait dans un entretien à L’actualité qu’obtenir de l’aide pour un aîné en perte d’autonomie nécessite de plonger dans un monde de paperasse à remplir et de se dépêtrer à travers des messageries vocales exaspérantes.
Sur papier, les programmes existent et semblent à la fois simples et attrayants, mais lorsqu’on demande à ceux qui ont tenté d’obtenir les services en question, c’est la plupart du temps une tout autre histoire!
Selon le Dr Réjean Hébert, gériatre, qui s’exprimait dans une entrevue à Radio-Canada, il serait avantageux tant pour les citoyens que pour le gouvernement de rétablir un meilleur équilibre entre soutien à domicile et offre d’hébergement en CHSLD. Il affirme que trop de personnes en perte d’autonomie légère ou modérée se retrouvent en centre d’hébergement, faute d’avoir accès à l’aide qui leur permettrait de demeurer à la maison. Bien sûr, une telle situation n’est pas optimale, puisque la facture de l’hébergement est beaucoup plus élevée que ce qu’il en coûterait de fournir l’aide nécessaire à une personne suffisamment autonome pour demeurer chez elle.
Le Québec est donc à repenser son offre de soins aux aînés et plusieurs groupes militent en ce sens. Mais le navire risque de mettre un certain temps avant d’effectuer un virage et bon nombre de personnes avançant en âge veulent mettre les chances de leur côté en se donnant les moyens de continuer à vivre dans leur domicile le plus longtemps possible. C’est là où les conseils d’un professionnel et une planification à long terme qui tient compte des besoins particuliers du client prennent tout leur sens.
DES RESSOURCES EXISTENT
Parmi celles destinées à aider les personnes qui souhaitent se donner les moyens de vieillir à la maison, mentionnons :
1. Les services payants offerts via les entreprises d’économie sociale en soutien à domicile
Soins infirmiers, aide aux repas, travaux divers, compagnie, etc. Ces services sont offerts à un coût oscillant autour d’une trentaine de dollars l’heure et une personne utilise en moyenne une quinzaine d’heures par semaine. Il est à noter que le Programme d’exonération financière pour les services d’aide domestique (PEFSAD) offert par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) fournit une aide financière variant de 4 $ à 18,64 $ pour chaque heure de service rendue. Cette aide est calculée en fonction de l’âge, de la situation familiale et du revenu familial de la personne recevant les services.
2. Le programme d’adaptation de domicile (PAD)
Il s’agit d’une subvention de la Société d’habitation du Québec s’adressant aux personnes qui souffrent de limitations fonctionnelles permanentes. Malheureusement, l’attente est longue (jusqu’à 24 mois!) pour recevoir la visite de l’ergothérapeute qui enclenchera la demande d’aide.
3. Le crédit d’impôt pour maintien à domicile
Revenu Québec accorde un crédit d’impôt – remboursable – aux aînés de 70 ans et plus qui engagent des dépenses afin de demeurer dans leur logis. Les dépenses admissibles peuvent comprendre de l’entretien ménager ou d’autres travaux à domicile, de l’aide au bain, des soins infirmiers ou des repas préparés, par exemple. Ainsi, selon son revenu, une personne seule et autonome pourra obtenir jusqu’à 7 020 $ par année (36 % du maximum de dépenses admissibles de 19 500 $). Pour une personne non autonome, le crédit peut atteindre 9 435 $. Il est à noter que le crédit peut être demandé par anticipation.
4. Une stratégie financière personnelle
C’est l’option qui, bien sûr, donne la plus grande flexibilité puisque l’aîné utilise alors ses propres ressources afin de faire les choix qui lui conviennent. Mais pour être en mesure de s’en prévaloir, il faut avoir planifié à long terme. Par exemple, il faudra avoir mis en place un plan d’épargne, d’optimisation des outils de placement et des avantages fiscaux, une stratégie de décaissement, de paiement accéléré de l’hypothèque, etc.
5. L’assurance en cas de maladie grave/perte d’autonomie
Un autre outil qui peut s’avérer une aide précieuse. Variable selon le contrat offert, cette assurance peut inclure une rente mensuelle, le remboursement de meilleurs traitements et des services d’assistance en matière de logement, de convalescence ou d’aide psychologique, par exemple.
La planification des ressources financières qui seront disponibles en cas de perte d’autonomie est un aspect d’une planification intégrée et globale qui intéresse et préoccupe de plus en plus les conseillers et leurs clients, ces derniers accordant une importance accrue au fait de pouvoir vivre le plus longtemps possible à la maison.
D’ailleurs, selon Yvan Morin, vice-président, Affaires juridiques à MICA Cabinets de services financiers, « la planification des ressources financières qui seront disponibles en cas de perte d’autonomie est un aspect d’une planification intégrée et globale qui intéresse et préoccupe de plus en plus les conseillers et leurs clients, ces derniers accordant une importance accrue au fait de pouvoir vivre le plus longtemps possible à la maison ».
Le cas de Pauline
Pauline a 72 ans, vit seule et commence à ressentir certaines difficultés à accomplir toutes ses tâches quotidiennes. Elle souhaite rester chez elle le plus longtemps possible. Elle a un revenu d’un peu plus de 30 000 $ par année et possède environ 200 000 $ en placements. Elle habite une maison entièrement payée et conduit sa propre voiture.
Pauline ne souffre d’aucune maladie grave, mais son arthrite lui cause des soucis et elle craint surtout les pertes d’équilibre et les chutes qui pourraient diminuer grandement son autonomie. À court terme, elle aimerait faire installer un plancher antidérapant dans la salle de bain (environ 3 500 $), une toilette surélevée (500-600 $) et des barres d’appui (300-400 $). Elle pourrait donc se prévaloir du crédit d’impôt provincial pour ces dépenses. Toutefois, elle ne pourrait pas se prévaloir du Programme d’adaptation de domicile (PAD) car elle n’a reçu aucun diagnostic de maladie grave.
Elle estime tout de même que d’ici quelques années, elle pourrait demander une aide extérieure pour les repas et l’entretien de sa maison. Si Pauline a besoin d’une dizaine d’heures chaque semaine, ces frais pourraient atteindre 300 $ par semaine via l’entreprise d’économie sociale en aide domestique de son quartier. Ils pourraient toutefois être réduits d’environ la moitié avec l’aide gouvernementale (RAMQ et Revenu Québec) offerte pour sa catégorie de revenus.
Et si la santé de Pauline se détériorait au point de la rendre non autonome? Pourrait-elle encore demeurer chez elle? Ses économies (200 000 $) ne suffiraient pas bien longtemps à couvrir des soins à temps plein. C’est pourquoi il est primordial d’établir une stratégie globale afin de maximiser l’argent qui sera disponible pour ses vieux jours.
Dans le cas de Pauline, si c’est une priorité pour elle de demeurer à son domicile malgré une perte importante d’autonomie, elle devra peut-être prévoir une assurance privée.
L’offre de produits d’assurance privée pour du maintien à domicile est toutefois très restreinte au Québec. Ces derniers se présentent plutôt sous la forme d’une assurance en cas de maladie grave, dont les primes peuvent s’avérer assez élevées en fonction de l’âge, de l’état de santé, de la couverture choisie, etc. Ils demeurent tout de même un élément à considérer dans le cadre d’une planification financière holistique et intégrée.
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