Achat d’assurances de personne en ligne : une innovation à manier avec prudence
En 2018, la Loi sur la distribution des produits et services financiers (LDPSF) a subi une réforme en profondeur. Celle-ci a notamment ouvert la porte à la vente d’assurances de personne en ligne et au téléphone, même sans l’assistance d’un conseiller. On peut donc désormais acquérir une assurance vie, une assurance invalidité, une assurance contre les maladies graves, une assurance de soins de longue durée ou une assurance maladie par l’entremise d’une plateforme entièrement automatisée. Toutefois, l’assurance collective ne peut pas être contractée de cette manière.
Afin d’encadrer cette nouvelle forme de commerce, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a publié un règlement entré en vigueur le 13 juin 2019, qui établit les droits des consommateurs et les obligations des cabinets. Cette réglementation ne s’applique qu’aux plateformes qui permettent de conclure le processus d’achat en ligne. Les sites qui servent à comparer différentes assurances ou qui amorcent l’opération avant de diriger le client vers un conseiller n’y sont pas assujettis.
La réglementation en vigueur vise à protéger le consommateur qui choisit de souscrire un produit ou un service financier par un processus entièrement automatisé et à lui offrir les mêmes moyens et renseignements pour prendre une décision éclairée que s’il faisait affaire avec un conseiller », précise Sylvain Théberge, directeur des relations médias à l’AMF.
Ajoutons que les lois et règlements sur la protection de la vie privée et des renseignements personnels s’appliquent aussi à ce type de transactions.
Nouveau canal, mêmes obligations
Soyons clairs. Les cabinets qui vendent de l’assurance de personne en ligne ne sont exemptés d’aucune des obligations qui incombent habituellement aux conseillers.
Essentiellement, Internet n’est qu’un moyen alternatif de distribution, explique Me Nathalie Durocher, avocate au cabinet Delegatus. Les obligations de base du cabinet qui offre de l’assurance demeurent les mêmes, notamment le devoir d’informer le client et de bien le conseiller. »
Même après avoir commencé un processus en ligne, le client a toujours le droit de parler à un conseiller. Au moment opportun, les cabinets et assureurs ont l’obligation d’assurer l’accès à un conseiller lié au cabinet et autorisé à agir dans la discipline requise. Si un tel conseiller n’est pas disponible, le client doit avoir la possibilité de suspendre la conclusion d’un contrat d’assurances jusqu’au moment où il pourra échanger avec le conseiller.
Par ailleurs, le client a le droit de résilier le contrat jusqu’à 10 jours après l’achat. Attention toutefois : ce droit ne s’applique pas lorsque la transaction est conclue avec un conseiller même si le processus a débuté par l’entremise d’un espace numérique.
Quelles sont les autres principales obligations des cabinets et assureurs envers un client ?
- Conseiller le client adéquatement. Le site doit permettre de réaliser une analyse des besoins financiers (ABF), d’identifier les besoins d’assurance et de s’assurer que le produit convient;
- Présenter tous les renseignements nécessaires dans une forme claire, lisible, précise et non trompeuse, notamment ceux relatifs à l’identification du cabinet, à la validation de son inscription auprès de l’Autorité et à la formulation d’une plainte;
- Rendre accessible, par l’entremise de son espace numérique, un spécimen de la police ainsi que des avenants disponibles, le cas échéant ;
- Avant la conclusion du contrat, fournir un récapitulatif des renseignements qui ont servi à identifier les besoins du client et à compléter la proposition, ainsi que des options et modalités du produit choisi.
Les cabinets doivent également garantir que le client ne perd pas au change si la nouvelle assurance qu’il achète se substitue à une autre qu’il détenait déjà.
Une obligation spécifique à la discipline de l’assurance de personne a été ajoutée afin d’éviter le risque de remplacement inapproprié d’un contrat d’assurance de personne, confirme Sylvain Théberge. Les cabinets doivent aussi détecter les irrégularités dans les renseignements fournis par le client et empêcher qu’un consommateur ne répondant pas aux critères d’admissibilité du produit puisse conclure une transaction. »
La responsabilité des consommateurs
Malgré toutes ces obligations, le consommateur qui choisit de souscrire un produit d’assurance en ligne doit assumer sa part de responsabilité et respecter ses propres obligations dans le cadre du processus, incluant celle de bien lire les instructions et informations, ainsi que de bien comprendre les renseignements qu’on lui demande de fournir dans le but de bien évaluer ses besoins et de lui offrir un ou des produits qui répondent à ses besoins d’assurance », précise Me Durocher.
Le consommateur doit par exemple divulguer tout ce qui peut influencer l’assureur dans l’établissement de la prime, comme le fait d’être fumeur ou non. Il doit aussi vérifier à la fin du processus l’exactitude des informations à son sujet présentées dans le sommaire.
Me Durocher prévient que des déclarations erronées et de fausses identités peuvent entraîner l’annulation de l’assurance et donc l’absence de couverture. Parfois, ces problèmes peuvent surgir d’une erreur ou d’une incompréhension. Le fait de mal comprendre les informations fournies – ou même celles qui sont exigées par les cabinets – peut nuire au consentement éclairé. En cas de doute, un client ne doit vraiment pas hésiter à demander l’aide d’un conseiller professionnel.
Plus qu’un simple achat
En dépit de tout l’encadrement imposé au cabinet, Julie Roy, conseillère en sécurité financière au cabinet St.Cyr et Associés, à Val-d’Or, invite les consommateurs à la plus grande prudence. Selon elle, l’achat en ligne ne permet pas toujours d’être aussi bien informé qu’en discutant en personne avec un conseiller.
Les gens entrent généralement dans mon bureau avec une idée en tête quant au produit d’assurance qu’ils veulent acheter, mais changent souvent d’opinion après l’analyse de leur situation globale, explique-t-elle. Sur une plateforme numérique, ils risquent d’avoir moins d’occasions de faire évoluer leur réflexion. »
Elle prévient que les produits d’assurance, surtout l’assurance invalidité, restent assez complexes et que le risque est grand d’acheter un produit qui ne convient pas très bien. Parfois, cela ne découle pas d’une incompréhension du produit acheté, mais plutôt d’une mauvaise analyse de la situation financière globale, des besoins de couverture ou de la perception de la couverture qu’on a déjà, comme l’assurance collective au travail.
Certaines personnes sont mieux couvertes qu’elles pensent et n’ont pas vraiment besoin d’une nouvelle assurance invalidité, mais d’autres au contraire sont moins bien protégés et bénéficieraient d’une couverture supplémentaire », illustre-t-elle.
Avant de contracter une assurance de personne, il y a donc plusieurs questions de base à vous poser. Est-ce que votre décès ou celui d’un membre de la famille pourrait placer des gens dans une situation financière difficile ? En cas d’accident ou de maladie qui vous empêche de travailler, sur quels revenus pourriez-vous compter ? De quels niveaux de couverture d’assurance avez-vous besoin ? Quelle prime pouvez-vous payer en fonction de votre budget ? L’AMF offre un guide fort utile pour appuyer une réflexion sur ces sujets.
Mais pour Julie Roy, le plus simple et le plus efficace, c’est encore de consulter un professionnel.
Le travail avec un conseiller en sécurité financière permet de brosser un portrait juste de la situation dans son ensemble et non seulement d’acheter un produit », souligne-t-elle.