L'IR au féminin : Des conseillères nous partagent leur vision

time 4m
Des conseillères nous partagent leur vision

Durant la pandémie, plusieurs épargnants se sont intéressés à l’investissement responsable (IR) en remettant leurs valeurs au coeur de leur réflexion sur le placement. Conséquemment, cette catégorie d’actifs a connu une progression remarquable au cours des trois dernières années, générant 21 fois plus de ventes ces 36 derniers mois. Néanmoins, plusieurs observateurs croient que les femmes en général sont plus intéressées à l’IR. Mythe ou réalité? Nous avons posé la question à trois expertes qui ont l’investissement responsable à coeur.

Selon un sondage d’ÉducÉpargne réalisé en août 2022, bien que 53 % des travailleurs québécois soient intéressés par l’investissement responsable (IR), peu d’entre eux se voient offrir ce type de produits. On y apprend également que 70 % des conseillers en services financiers ne sont pas à l’aise avec l’IR. Ces chiffres nous amènent à nous demander si les conseillères en services financiers s’y intéressent davantage et à nous questionner sur l’attitude des hommes et des femmes à l’égard de l’IR.

Ce sont des mères de famille. Elles se soucient de la génération future. 

Lyne Larochelle

 

Du côté des conseillers...

Nos spécialistes croient-elles que les conseillers et conseillères en services financiers ont le même intérêt pour l’investissement responsable? « Même si je ne sens pas encore beaucoup de sensibilité du côté de mes collègues masculins, je pense qu’ils s’ouvrent tranquillement à ce type d’investissement, dit Lyne Larochelle, représentante en épargne collective et conseillère en sécurité financière chez Larochelle-Conseils. Mais actuellement, les conseillères sont plus réceptives. D’ailleurs, dans mon équipe, nous sommes trois filles. »

Pour Alexandra Tanguay, gestionnaire de portefeuille et spécialiste en investissement responsable à RGP Investissements, si les femmes sont plus intéressées par les produits ESG que leurs collègues masculins, c’est qu’elles ont tendance à s’attarder davantage à l’incidence que ces produits peuvent avoir sur la société ou l’environnement – arguments souvent mis de l’avant par les entreprises –, alors que les hommes sont généralement plus intéressés par la performance et le rendements des produits de placement.

53 %
DES TRAVAILLEURS QUÉBÉCOIS
SONT INTÉRESSÉS PAR
L’INVESTISSEMENT RESPONSABLE (IR).

Source : Sondage d’ÉducÉpargne

70 %
DES CONSEILLERS
EN SERVICES FINANCIERS
NE SONT PAS À L’AISE AVEC L’IR.

Source : sondage d’ÉducÉpargne

Cela semble d’ailleurs concorder avec les motivations de Mme Larochelle, qui raconte avoir accepté de reprendre l’entreprise familiale seulement après avoir appris qu’elle pouvait se spécialiser dans la « l’investissement responsable ». « J’ai décidé que cela faisait partie de ma mission », dit-elle.

Mme Tanguay affirme cependant que c’est probablement sur le plan de la formation qu’il est possible de réconcilier les deux visions (valeurs et rendement) sur le placement. Selon elle, la formation peut contribuer à rendre l’investissement responsable attrayant aussi pour ceux qui prennent le temps d’explorer le sujet en profondeur. « Lorsque l’IR a fait ses premières percées sur le marché, les conseillers en services financiers avaient certaines difficultés à en maîtriser suffisamment les principes pour pouvoir en discuter aisément avec leurs clients, dit-elle. Nous avons donc entrepris de les former. Aujourd’hui, nous nous rendons compte que, chez les conseillers qui ont reçu une formation, il n’y a pas de différence entre les perceptions des hommes et celle des femmes sur l’IR. »

 

La clientèle est-elle au rendez-vous?

L’IR est-il ici aussi plus populaire chez les femmes? C’est le cas. « Aujourd’hui, les femmes sont décomplexées, dit Mme Larochelle. Moi, dans mon top 10, j’ai autant d’hommes que de femmes. Mais les plus fortunées, ce sont des femmes. Il y en a qui gagnent bien leur vie et qui me disent : ‘‘ Ce qui compte pour moi, ce n’est pas de faire fructifier mon argent pour le faire fructifier, c’est plutôt de savoir qu’il est investi selon mes valeurs. ’’ Ce sont des mères de famille. Et, spontanément, elles se soucient de la génération future. »

Pour Alexandra Tanguay, que la clientèle féminine privilégie l’IR n’est pas surprenant. « L’IR convient bien aux femmes, surtout dans une perspective à long terme, dit-elle, notamment parce qu’elles ont de saines habitudes d’investissement ainsi qu’un comportement prudent et réfléchi. »

Rebecca Savard, conseillère en sécurité financière, en épargne collective et en assurance et rentes collectives à Lumos services financiers, si les hommes montrent aussi de l’intérêt, les femmes sont plus motivées. « Ce sont elles qui m’approchent, et qui accordent le plus d’importance à l’IR. D’ailleurs, beaucoup d’entre elles acceptent d’y mettre toutes les sommes qu’elles investissent, alors que généralement, les hommes n’en mettent qu’une petite proportion. »

Selon la spécialiste, les femmes seraient aussi plus expressives. « Pour certaines, c’est un cauchemar de parler de produits financiers, indique Mme Savard. Mais quand je leur parle d’IR, je vois que ça pique leur intérêt. Cela ne veut pas dire que les hommes ne sont pas intéressés, mais ils le montrent moins. » Cela amène la conseillère à adapter son langage. « Aux femmes, je parle plus de valeurs et moins de chiffres. »

L’IR convient bien aux femmes, surtout dans une perspective à long terme, notamment parce qu’eles ont de saines habitudes d’investissement ainsi qu’un comportement prudent et réfléchi. 

Alexandra Tanguay

Toujours selon les conseillères consultées, ces différences hommes-femmes seraient toutefois beaucoup moins marquées auprès des plus jeunes générations, qui n’hésitent pas à exiger dès les premiers contacts de pouvoir investir leurs épargnes dans des placements qui respectent leurs valeurs au premier chef. Le secteur de l’IR a possiblement un avenir prometteur.