Article 17 août 2022

L'avenir doré au repreneuriat féminin

Longtemps mises à l’écart des projets de transfert d’entreprise, les femmes s’y taillent de plus en plus souvent une place à la hauteur de leurs ambitions. Cette dynamique devrait s’accélérer au cours des prochaines années.

En janvier 2021, Familles en affaires et l’Institut d’entrepreneuriat Banque Nationale — deux organisations reliées à HEC Montréal — ont publié une étude qui contenait des données fort intéressantes au sujet du repreneuriat féminin. On peut y lire que moins d’un tiers des entreprises familiales québécoises comptent au moins une femme dans leur équipe de gestion et près de deux sur dix n’en ont aucune.

« Il ne faut donc pas s’étonner qu’elles soient traditionnellement moins nombreuses à reprendre des entreprises, puisque la présence au sein de ces comités constitue souvent un passage obligé dans le développement des futurs dirigeants ou propriétaires », souligne Luis Cisneros, professeur titulaire à HEC Montréal et directeur scientifique de Familles en affaires.

Le genre de l'argent

Les femmes vivent également des défis particuliers pour financer leurs projets entrepreneuriaux, ce qui complique leur volonté de racheter des entreprises qui n’appartiennent pas à leur famille. En 2014 déjà, une étude montrait que 68 % des projets présentés par des hommes obtenaient du financement, contre 32 % pour des initiatives similaires proposées par des femmes.

Selon Statistique Canada, leurs projets seraient aussi deux fois plus susceptibles d’être jugés à risque élevé, compte tenu des industries dans lesquelles elles évoluent. « Les femmes démarrent leur projet d’entrepreneuriat avec moins d’argent, ce qui les pénalise clairement du côté du repreneuriat », souligne Rina Marchand, directrice principale, contenus et innovation de Réseau Mentorat.

Certains biais ont par ailleurs eu la vie dure. « Traditionnellement, dans les entreprises familiales, les propriétaires ne demandaient pas systématiquement à leurs filles si elles voulaient reprendre le flambeau, comme ils le faisaient avec leurs fils, raconte-t-elle. Elles devaient lever la main pour obtenir leur chance. Mais depuis quelques années, c’est beaucoup moins vrai. »

Renversement de dynamique

L’Indice entrepreneurial québécois 2017 de Réseau Mentorat montre que les femmes présentent deux fois plus l’intention de se lancer en entrepreneuriat lorsqu’elles viennent d’une famille en affaires. L’Album de familles signale de son côté que plus de femmes que d’hommes (54 % contre 46 %) ont démarré des entreprises familiales au cours des dix dernières années et que plus les membres des équipes de direction sont jeunes, plus la présence des femmes y est grande.

« On retrouve de plus en plus de femmes repreneuses, surtout dans les entreprises familiales, et même dans des secteurs traditionnellement masculins », confirme Louise Cadieux, professeure retraitée de management à l’Université du Québec à Trois-Rivières. On peut citer par exemple Véronique Tougas, qui a repris le Groupe Cambli, un fabricant de fourgons tactiques et de camions blindés, ou encore Éloïse Harvey, cheffe de la direction d’EPIQ Machinery, un manufacturier d’équipements lourds.

Robert Lafond, fondateur du cabinet de services financiers Lafond, rappelle une autre évolution qui favorise la montée du repreneuriat des femmes. « La gestion des entreprises s’est beaucoup professionnalisée au cours des 10-15 dernières années; or, les femmes sont désormais plus nombreuses que les hommes à obtenir des diplômes universitaires. Cela fait de plusieurs d’entre elles des candidates fort intéressantes pour diriger une entreprise. » En 2020, 33 % des femmes détenaient un diplôme universitaire, contre 26 % des hommes, selon l’Institut de la statistique du Québec. Cette année-là, les femmes représentaient 52 % des diplômées de HEC Montréal.

Les femmes qui ont démarré ou racheté une entreprise n’auront probablement pas les mêmes biais que les hommes ont eus — et continuent parfois d’avoir — envers les femmes qui souhaitent reprendre leur entreprise. Par ailleurs, pas moins de 53 % des entrepreneures du Palmarès des entreprises au féminin 2022, publié par Premières en affaires, sont issues de la relève. Les femmes devraient très rapidement se tailler une place beaucoup plus appréciable dans le repreneuriat.

« Traditionnellement, dans les entreprises familiales, les propriétaires ne demandaient pas systématiquement à leurs filles si elles voulaient reprendre le flambeau, comme ils le faisaient avec leurs fils. Elles devaient lever la main pour obtenir leur chance. Mais depuis quelques années, c'est beaucoup moins vrai. » — Rina Marchand