Loi fédérale sur le divorce - ce qu’il faut retenir de la réforme
La Chambre de la sécurité financière tient à vous rappeler les importantes modifications apportées à la loi fédérale sur le divorce qui sont entrées en vigueur le 1er mars 2021 car celles-ci peuvent avoir des impacts sur la planification financière des couples québécois. La nouvelle mouture de la loi place l’intérêt de l’enfant au cœur des procédures, en plus de faire la part belle à la médiation.
L’adoption du projet de loi C-78 en juin 2019 consacrait la première grande réforme du thème de la garde d’enfant dans le droit familial fédéral depuis 1985. « La nouvelle loi est centrée sur l’intérêt de l’enfant et tient davantage compte du contexte dans lequel il évolue plutôt que des interprétations très littérales de la loi », se réjouit Me Mandy Alessandrini, avocate en litige et droit de la famille chez Devichy Avocats.
Officiellement, la nouvelle loi sur le divorce ne s’applique ni aux unions de fait ni aux unions civiles (qui n’existent qu’au Québec). Me Alessandrini pense toutefois que les juges québécois s’en inspireront largement dans leurs décisions. « Sinon, cela créerait une trop grande différence entre les enfants dont les parents sont mariés et les autres », estime-t-elle.
La nouvelle loi repose sur une terminologie inédite. Exit les notions de « garde d’enfant » et d’« accès parental ». La « garde légale » est remplacée par la « responsabilité décisionnelle », c’est-à-dire le droit et le devoir de prendre des décisions importantes au sujet de l’enfant. Le nombre de jours qu’un parent peut passer avec son enfant, autrefois appelé « garde physique », devient le « temps parental ». À ce sujet, Me Dominique Lettre, notaire, médiatrice et arbitre chez Lettre & Brown, précise que « la loi n’encourage pas obligatoirement le temps de parentage partagé, elle regarde ce qui est le mieux pour l’enfant ».
La nouvelle loi parle également d’« ordonnance parentale » pour désigner l’ensemble des responsabilités, droits et obligations qui concernent la relation entre les parents et l’enfant. Par ailleurs, l’« ordonnance de contact » prévoit qu’une personne qui n’est pas un parent peut demander au tribunal d’obtenir elle aussi du temps avec l’enfant. « Cette loi donne de nombreuses balises, à l’article 16, pour décrire plus clairement ce dont les juges doivent tenir compte pour définir l’intérêt de l’enfant », explique Me Alessandrini.
Tout divorce crée une période d’appauvrissement pour les deux parties. Soudainement, il faut payer deux loyers, deux factures d’électricité, de chauffage, de télévision, etc.
L’intérêt de l’enfant d’abord
De son côté, Me Lettre souligne deux changements majeurs. Le premier concerne les cas où un parent souhaite déménager avec l’enfant loin de l’autre parent. « Ça, c’est une grosse source de conflit dans une séparation », admet la notaire.
Auparavant, le parent qui voulait déménager avec l’enfant pouvait en informer l’autre à très brève échéance. Dorénavant, dans le cas d’un déménagement longue distance, le parent doit envoyer un préavis de 60 jours à son ancien conjoint. Ce dernier dispose de 30 jours suivant la réception de l’avis pour s’opposer. Dans ce cas, le tribunal autorisera ou non le déménagement en fonction des intérêts de l’enfant.
L’autre grand changement concerne la violence familiale. Auparavant, un parent qui avait violenté son conjoint, mais pas son enfant, pouvait réclamer du temps parental lors d’un divorce. La nouvelle loi reconnaît qu’un enfant est exposé à la violence même s’il ne reçoit pas de coups physiquement et que cela doit faire partie des facteurs de décision au sujet du temps parental.
La collaboration plutôt que l’affrontement
La nouvelle loi prend par ailleurs un net parti pris pour la médiation, la négociation et le droit collaboratif, afin notamment de désengorger les tribunaux. « Elle oblige les avocats et conseillers juridiques à encourager le recours à ces mécanismes de règlement des différends, alors qu’auparavant, ils devaient simplement informer leurs clients de leur existence », explique l’avocate et médiatrice Me Louise Poliquin. Cela ne s’applique toutefois pas aux cas où il y a de la violence familiale ou un très haut niveau de conflit.
Me Poliquin affirme que la médiation présente de nombreux avantages pour un couple en processus de divorce ou de séparation. L’un de ceux-ci est financier. « Un divorce avec litige peut s’étirer sur plusieurs années et coûter des milliers de dollars à chaque partie, que le règlement se réalise en cour ou hors cour, alors qu’une médiation coûte souvent moins de 1000 dollars », note Me Poliquin.
C’est d’autant plus intéressant que le gouvernement du Québec aide financièrement les couples qui optent pour cette approche. Il offre cinq heures de médiation gratuites aux couples avec enfants mineurs ou à charge. Les couples qui veulent revoir les termes de leur jugement de divorce ou de séparation ont droit quant à eux à deux heures et demie de médiation payées. Depuis le 18 février 2021, un projet-pilote accorde trois heures de médiation familiale sans frais aux couples sans enfant commun mineur ou à charge qui sont en procédure de divorce ou de séparation.
Me Poliquin ajoute que les parents gardent aussi beaucoup plus de contrôle dans un processus comme la médiation. « En cour, on présente une preuve devant un juge qui ne nous connaît pas et il tranche, rappelle-t-elle. Il n’est pas rare qu’un parent ou même les deux soient déçus du jugement et la démarche peut susciter de la rancœur entre les deux parties. »
Elle voit la médiation comme une manière de sauter la case « règlement de comptes » pour plutôt regarder vers l’avenir. C’est une occasion de s’asseoir et de construire une nouvelle relation. En 2017, un sondage réalisé par SOM pour le ministère de la Justice du Québec indiquait que 84 % des parents qui ont accompli une telle démarche avaient conclu une entente avec leur ex-conjoint.
Me Dominique Lettre encourage les professionnels du conseil financier à se renseigner quant aux bienfaits de la médiation et au sujet des programmes de subvention. « Ils pourraient ainsi montrer à leurs clients les avantages, notamment financiers, qu’ils peuvent tirer de ces mécanismes, avance-t-elle. C’est important, car tout divorce crée une période d’appauvrissement pour les deux parties. Soudainement, il faut payer deux loyers, deux factures d’électricité, de chauffage, de télévision, etc. »
Rappelons que dans une telle situation, le conseiller se doit d’informer ses clients des conséquences financières du divorce ou de la séparation sur leurs placements, la désignation des bénéficiaires des polices d’assurance et le budget. S’il continue de servir les deux parties du couple, il doit en outre respecter plusieurs règles déontologiques, dont la mise à jour de la connaissance des clients et la sauvegarde de son indépendance. Il est essentiel d’éviter de parler des affaires financières ou personnelles d’un des deux clients à une autre personne.
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