Le mythe du « mariage automatique »

Les résultats des travaux de la chercheuse sont surprenants et témoignent du fait qu’il y a aussi beaucoup de méconnaissance du statut légal du couple. Ainsi, elle a noté qu’il existe un mythe du « mariage automatique », et que 50% des conjoints de fait pensent à tort qu’ils sont considérés comme mariés aux yeux de la loi après un certain temps de vie commune. Mais il n’en est rien, et en cas de rupture, le partage du patrimoine familial prévu au Code civil ne s’appliquera pas dans un contexte d’union libre.

« Cette confusion vient du fait que le traitement est différent en matière de lois sociales et fiscales. Par exemple, après un an de vie commune, les autorités fiscales traitent les conjoints de fait comme s’ils étaient mariés », dit Hélène Belleau. Dans une province où 50% des couples de moins de 50 ans vivent en union de fait – le Québec est le champion au Canada – ce constat est pour le moins préoccupant.

Phénomène social total

Pourquoi s’être intéressée à l’argent dans le couple et aux considérations légales qui s’y rattachent? « Parce que l’argent est ce que l’on appelle un phénomène social total, c’est-à-dire qu’il est derrière toutes les relations et les microdécisions (choix d’un lieu de vie, de la destination de vacances, de l’école de nos enfants, etc.) que l’on prend dans son existence. Par ailleurs, dans un couple, l’argent témoigne aussi de nos valeurs. »

Or, on constate que les conjoints négocient très peu entre eux la gestion de l’argent. « La plupart disent qu’ils n’en ont pas discuté, que les choses se sont mises en place toutes seules. Alors je me suis demandé pourquoi il était si difficile pour eux d’en parler», explique Hélène Belleau.

Concernant la gestion de l’argent au sein du couple, ses recherches révèlent que 50% d’entre eux optent pour un partage équitable du revenu familial, alors que l’autre moitié préfère partager uniquement les dépenses. « Tout n’est pas mis en commun et peu de couples gèrent ensemble l’argent à long terme. On s’occupe de son épargne chacun de son côté, ce qui peut avoir un gros impact au bout du compte en matière d’épargne retraite accumulé par chacun des conjoints », note-t-elle. Et, c’est à ce stade que l’on constate des disparités substantielles en défaveur des femmes.

Hélène Belleau est convaincue qu’il faut aider les couples à amorcer un dialogue sain et constructif en matière de finances personnelles. Elle-même met l’épaule à la roue en multipliant les conférences et les interventions publiques sur le sujet. Elle est aussi l’auteure de plusieurs ouvrages sur la question, dont L’amour et l’argent : guide de survie en 60 questions. Mais elle compte aussi mettre les conseillers en services financiers membres de la Chambre de la sécurité financière à contribution. « Je m’intéresse au rôle que peuvent jouer les tiers dans ce domaine. À cet égard, les conseillers sont des relais importants de l’information. Ils peuvent amener les couples à amorcer cette discussion et à aborder des sujets sensibles comme le partage équitable de l’épargne, les conséquences financières d’une rupture, etc. », fait valoir Hélène Belleau.

Enfin, elle planifie prochainement lancer un projet de recherche dans lequel elle va impliquer les conseillers en services financiers qui sont souvent au centre des décisions d’argent de leurs clients en couple.