Transfert de clientèle : cas vécus et leçons à retenir - Cas #2

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Transfert de clientèle : cas vécus et leçons à retenir : Cas#2

Cas #2 / Incompatibilité de style et de point de vue

Jean Dupriez, LL.L., DAE, Pl. fin.

J’ai eu récemment à traiter un cas intéressant : une évaluation conjointe pour le vendeur, un vieux routier que j’appellerai Denis, et pour l’acheteur que je surnommerai Émile, un jeune conseiller épris de technologie. Voilà une situation idéale pour un évaluateur qui n’a aucun parti pris.

En apparence, il n’y avait rien qui accrochait à l’examen des réponses au questionnaire très bien complété par Denis, qui me fournît par ailleurs des tableaux détaillés extraits de la base de données qu’il avait lui-même constituée avec les moyens disponibles à l’époque.

Mon analyse, point par point, aboutit au coefficient de 2,45. Cette clientèle valait donc, selon mes calculs, 2,45 fois 94 000$ de revenus récurrents annuels générés, soit 230 000$.

 

Oui, mais…

Denis n’était pas d’accord avec moi. Il avait créé vers 1990 sa propre base de données à l’aide du logiciel Access de Microsoft. Avec le temps, il l’avait perfectionnée. Cet outil était efficace pour ses besoins de gestion de clientèle.

Toutefois, la transférabilité de ces données sur un autre logiciel (comme celui de Kronos, par exemple) était, à mon avis, improbable. Émile aurait à tout réécrire manuellement dans un logiciel moderne.

De plus, les dossiers de Denis sont en partie sur papier, en partie informatisés : un cas trop fréquent chez les conseillers approchant la retraite.

Précisons aussi que Denis a 72 ans, qu’il est veuf et commence à être fatigué. L’âge moyen de sa clientèle est de 62 ans. Notons enfin que les revenus récurrents de son cabinet ont diminué chaque année depuis 5 ans et que le potentiel de développement de la clientèle est quasi nul.

Émile a quant à lui 36 ans. Il est hyper informatisé. Sa personnalité se situe vraiment aux antipodes de celle de Denis.

Par ailleurs, Denis est fier de la base de données qu’il a créée, sans doute efficacement pour ses propres besoins et avec les outils disponibles en 1990. C’est un sentimental qui aime beaucoup « sa » base de données. Voilà le problème!

« Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point », a écrit Blaise Pascal.

L’outil de Denis est aujourd’hui obsolète mais comme il l’a construit lui-même, à ses yeux, il a une grande valeur financière. Il estime donc que son bloc d’affaires vaut au moins 3 fois 94 000$ de revenus récurrents, soit 282 000$.

De son côté, Émile s’en est tenu évidemment à l’évaluation de 2,45 fois les revenus, une différence de 52 000$.

Résultat : Les deux parties sont demeurées sur leurs position et n’ont conclu aucune transaction.

 

Leçon à retenir

Denis devrait accepter que son informatisation soit devenue « archaïque » et que, en conséquence, son bloc d’affaires soit en forte perte de valeur. Certaines caractéristiques peuvent avoir une valeur pour le vendeur mais pas nécessairement pour l’acheteur. Ces caractéristiques représentent parfois des points si sensibles qu’elles peuvent faire dévier l’évaluation au-delà des écarts habituels.

Dans le cadre de ses activités d’évaluation de clientèle, Jean Dupriez a observé, au fil des ans, toutes sortes de situations fâcheuses qui ont pu causer des frustrations, des litiges et même des pertes financières lors du transfert d’un portefeuille de clients. 

Il a décidé de partager sa longue expérience en la matière dans une série de textes qui relatent des évènements réels, qui ont parfois conduit à des dommages substantiels pour le vendeur et/ou l'acheteur concernés. Présentés sous forme de cas vécus, ils seront suivis d’une courte analyse et de conseils pratiques pour les éviter.