IA et sécurité financière : l’importance de garder la technologie au service de la relation conseiller-client
Lettre ouverte par Marie Elaine Farley, Ad.E., ICD.D, présidente et chef de la direction, Chambre de la sécurité financière, parue dans Le Devoir le 24 mai 2024.
L’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) connaît actuellement une démocratisation fulgurante, alors que les plateformes d’IA générative sont de plus en plus populaires. La majorité des spécialistes s’entendent pour dire que si l’IA offre de nouvelles avenues d’innovation et de progrès, elles comportent aussi des risques qu’il importe de prendre au sérieux.
Récemment, le colloque «La fintech : à la croisée de la finance, du droit, de la technologie et du marketing» s’est tenu dans le cadre du 91e Congrès de l’Acfas. Alimentées par des experts issus de nombreuses spécialités, des discussions fort pertinentes ont permis de confirmer que les risques de l’IA sont bien présents dans la pratique des professionnels du secteur financier.
Alors que les besoins des consommateurs en matière de produits et services financiers évoluent rapidement, cette question revêt une grande importance. Les technologies numériques amènent des changements significatifs dans les façons de faire et constituent parfois un nouvel intermédiaire dans la relation entre les conseillers en services financiers, dont les planificateurs financiers, et leurs clients. Aujourd’hui, les consommateurs souhaitent être servis de façon holistique dans tous les aspects de leur santé financière, ce qui inclut l’assurance, l’investissement et la planification.
Un encadrement multidisciplinaire sérieux
Dans ce contexte de diversification des besoins, il est important de considérer que les professionnels du secteur financier sont encadrés par un grand nombre de lois, de règlements ainsi que de règles déontologiques. Au Canada, le Québec est la seule province à s’être donné un encadrement multidisciplinaire des professionnels en services financiers.
La Chambre de la sécurité financière a comme mission d’assurer la protection du public et d’encadrer les conseillers en services financiers, qui, à l’instar des médecins ou des avocats, doivent voir au meilleur intérêt de leur client et faire preuve d’indépendance dans les conseils et les services qu’ils offrent.
Aussi, il faut souligner que les différents acteurs de l’écosystème financier doivent travailler en collaboration. Celle-ci participe au maintien de la relation de confiance des consommateurs à l’endroit du secteur financier. Au regard des différentes questions soulevées par l’IA, il est essentiel que cette collaboration puisse aussi compter sur nos universités et nos institutions d’enseignement.
Une ligne à ne pas franchir
Il est clair que la technologie fait partie intégrante du métier des professionnels en services financiers. Les applications ont une capacité extraordinaire d’analyse de données et d’évaluation de scénarios dont on ne doit pas priver les consommateurs.
Ainsi, les conseillers en services financiers doivent maîtriser les outils technologiques disponibles, parce que c’est dans l’intérêt de leurs clients. Ils doivent donc connaître et comprendre le fonctionnement des robots conseillers et des plateformes en ligne.
Mais surtout, il importe de s’assurer que l’humain reste au cœur des décisions portant sur les avancées technologiques. Car, malgré l’encadrement rigoureux en place, les biais ne sont pas à prendre à la légère. Par exemple, la tolérance au risque ne s’exprime pas de la même façon d’une personne à l’autre. Les mots utilisés par les clients varient énormément pour illustrer des situations et les nuances sont souvent subtiles pour comprendre ce que le consommateur souhaite vraiment exprimer.
C’est au conseiller que revient la responsabilité de s’assurer de bien comprendre les besoins, les projets et les aspirations de son client. Il doit être en mesure d’interpréter les recommandations formulées de façon numérique, pour s’assurer qu’elles correspondent aux besoins exprimés.
En 2024, il est évident que la technologie apporte une aide à la relation conseiller-client. Toutefois, avec les avancées technologiques qui la rendent de plus en plus humaine, il devient crucial que l’humain conserve le contrôle des décisions.
La société doit aborder les questions éthiques relatives à l’IA, incluant la question des biais et des intérêts commerciaux qui y sont liés, pour que l’utilisation des données serve réellement à l’avancement de nos collectivités.
À lire aussi
COMMUNIQUÉ DE PRESSE